La pyramide de Maslow fait partie de ces rengaines enseignées en formations du travail social comme dans beaucoup d’autres disciplines (écoles de management, de service à la personne). C’est, vrai une pyramide, c’est beau. Encore plus quand on y met plein de couleurs : les mystères de l’Egypte, le triangle des Bermudes, le Toblerone. Trêve de plaisanterie, cet outil perdure alors que l’auteur lui-même en a critiqué l’utilisation, la machine a dépassé le maître. La société ultra libérale peut s’en accommoder : plus besoin de chercher une satisfaction complète des besoins des personnes les plus vulnérables. Il suffit de remplir les deux premiers étages, c’est déjà plus de la moitié des besoins qui sont comblés, le reste c’est de l’accessoire, ça coutre cher. L’aide à domicile ne doit pas prendre trop de temps avec ses « clients », juste le nécessaire : la personne a été nourrie, est propre, est en sécurité ? Le travail est fait, si le « client » a besoin de discuter, pas le temps.
D’ailleurs, Maslow n’a visiblement pas dessiné de triangle, on ne sait pas exactement qui a fait le premier mais chacun le reprend en l’arrangeant avec sa recette. Certes, schématiser permet de mieux comprendre, d’ordonner ses idées, encore faut-il que ce classement n’oublie pas des pans entiers venus avec l’évolution de la société. Les besoins affectifs et sexuels ont par exemple des résonnances sur plusieurs aspects des besoins. Dans le même élan, où mettrions nous aujourd’hui les besoins de vivre dans un environnement soutenable et non pollué ? L’accès à la culture est lui aussi une dimension uniquement accessoire ?
Dans l’intervention sociale, cet outil me semble encore plus décalé depuis les nouveaux référentiels de la HAS qui encadrent les démarches qualité dans les Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux. Ceux-ci ont bien pour objectif de placer la personne concernée au centre des dispositifs, que signifie dans ce cadre la nécessité de penser les besoins en dehors d’elles ? J’ai en tête beaucoup d’exemples issus de mes accompagnements comme ce jeune homme qui utilisait un bonne partie de son Fonds d’Aide aux Jeunes pour s’acheter des cartes Pokemon. Les besoins d’estime et d’accomplissement me semblent ainsi être majeurs, surtout pour des personnes avec des parcours morcelés.
A mon sens la première démarche en terme d’analyse des besoins c’est de permettre l’expression de la personne concernée en tenant compte de ce qui peut être un frein : accès limité à la langue, déficience mentale, soumission à une position dominante pour « faire plaisir aux travailleurs sociaux », influence néfaste de son environnement etc . L’analyse des besoins ne se fait pas en un seul entretien formel lors de la signature d’un Projet Personnalisé, mais tout au long de l’accompagnement.
Pour cela, il y a de biens meilleurs outils que la pyramide, un support ressemblant à une carte heuristique, avec la personne au centre me semble un bon départ. Aux structures de s’inventer et de laisser les pyramides en dehors du travail social.
